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13/10/2020

« Je dis qu'il est l'Un et, en même temps, le Néant Éternel »

Extrait de : Jean-Marc Vivenza, L’esprit du saint-martinisme. Louis-Claude de Saint-Martin et la Société des Indépendants, éditions La pierre philosophale, 2020. Chapitre VIII – « Jacob Boehme, le «prince des philosophes divins», premier maître de Louis-Claude de Saint-Martin selon l’Esprit. » (pp.304-306)

 

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« Jacob Boehme, maître incontesté de la vie suressentielle, « aborde avec une souveraine aisance la difficile notion du « sans-fond » (ungrund), l'Essence de toutes les essences, le Néant divin, avec une intensité et une force qui ne se rencontrent chez aucun autre auteur. Le « Rien », ainsi que le « Feu », occupent, dans la théosophie de Boehme, une dimension difficilement descriptible, proprement abyssale, et ce n’est rien moins qu'à s'immerger au sein d'une sorte d'incroyable et audacieux accomplissement métaphysique qu'est invité son lecteur. Les propositions de Jacob Boehme, concernant Dieu, ne manquent pas de posséder une redoutable radicalité :

 

« Je dis qu'il est l'Un et, en même temps, le Néant Éternel ; il n'a ni cause, ni commencement, ni lieu, et il ne possède rien en dehors de lui-même ; il est la volonté de ce qui est sans détermination, il n'est qu'Un en lui-même ; il n'a besoin ni d'espace ni de place ; il s'engendre en lui-même d'éternité en éternité ; il n'a rien qui lui ressemble, et n'a aucun endroit particulier où il réside : l'éternelle sagesse ou intelligence est sa demeure ; il est la volonté de la sagesse et la sagesse est sa révélation[1].»

 

Cependant ce « Néant Éternel », Ce « Rien », explique Jacob Boehme, pour se connaître et se faire connaître, est amené à se manifester, car la libre intuition qu'il a de lui-même porte un nom : Amour. Ceci conduit le génial cordonnier à dire de Dieu que, de par la manifestation de son amour, travaillé par un « désir » qui préside au premier « Verbum fiat », il est :

« Le bien et le mal, le ciel et l'enfer, la lumière et les ténèbres, l'éternité et le temps, le commencement et la fin[2].»

La révélation, du « Néant », constitue donc le véritable principe de la manifestation universelle, car :

« Le désir du Verbe éternel qui est Dieu, est le début de la nature éternelle et le saisissement du Néant en Quelque chose...[3]»

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De ce fait, le grand mystère de la Création, réside bien dans ce processus qui a conduit Dieu, ou « l'intérieur », à se manifester, à s'extérioriser, « avec son Verbe éternellement parlant qui n'est autre que lui-même ». À cet égard, « l'extérieur est un symbole de l'intérieur », c'est-à-dire que notre monde déchu, originellement spirituel, dégradé en une « ténébreuse concrétion » depuis la chute de Lucifer, est, tout à la fois, le Verbe et son oubli, la Lumière et sa radicale négation.

Il y a donc une « compénétration » entre le monde saint et le monde extérieur ou manifesté ; ceci explique que le monde spirituel ne se trouve pas ailleurs, dans le ciel :

« Il ne faut pas penser au sujet des saints anges qu'ils se trouvent tous au-delà des étoiles, hors de ce monde, mais également dans le lieu de ce monde, bien qu'il n'existe pas de lieu dans l'éternité, explique Boehme, le lieu de ce monde et le lieu en dehors de ce monde sont pour eux une seule et même chose[4]. »

On comprend beaucoup mieux, ainsi, pourquoi Boehme, de manière stupéfiante, put affirmer :

« Le ciel est en enfer, et l'enfer dans le ciel, et cependant aucun des deux n'apparaît à l'autre. »

En réalité le cœur de la théosophie boehméenne se situe sans doute dans cette vérité surprenante du point de vue métaphysique :

« Pour Dieu rien n'est près et rien n'est loin, un monde est dans l'autre et tous ne sont pourtant qu'un monde unique ; mais l'un est spirituel, l'autre corporel, de même que le corps et l'âme sont l'un dans l'autre, de même que le temps et l'éternité ne sont qu'une seule chose [...] le Verbe éternellement parlant règne partout... [5]» »

 


Lien auteur : 

 

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Notes

 

[1] J. Boehme, Mysterium magnum, I, 2.  

[2] Ibid., VIII, 24. 

[3] Ibid., VI, 14. 

[4] 185 Ibid., VIII, 16.  

[5] 186 Ibid., II, 10.  

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